Decret Fonctionnement Haute Cour De Justice Pdf
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DÉCRET

DÉCRET PORTANT ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE

LE CONSEIL PRÉSIDENTIEL DE TRANSITION :

RÉGINE ABRAHAM
SMITH AUGUSTIN
LOUIS GÉRALD GILLES
FRITZ ALPHONSE JEAN
FRINEL JOSEPH
EDGARD LEBLANC FILS
LAURENT SAINT-CYR
EMMANUEL VERTILAIRE
LESLIE VOLTAIRE

Vu la Constitution de la République ;
Vu la Convention américaine relative aux droits de l’homme sanctionnée par la Loi du 18 août 1979 ;
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques sanctionné par le Décret du 23 novembre 1990 ;
Vu la Convention interaméricaine contre la corruption ratifiée par le Décret du 19 décembre 2000 ;
Vu la Convention interaméricaine contre le terrorisme sanctionnée par le Décret du 16 février 2005 ;
Vu la Convention des Nations-Unies contre la corruption ratifiée par le Décret du 14 mai 2007 ;
Vu la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme sanctionnée par le Décret du 12 mai 2009 ;
Vu le Code Pénal ;
Vu le Code d’Instruction Criminelle ;
Vu la Loi du 26 août 1870 sur la responsabilité des fonctionnaires et employés de l’Administration et le mode de procéder contre eux en cas d’imputation ;
Vu le Décret du 8 septembre 2004 créant un Organisme à caractère administratif dénommé : « Unité de Lutte contre la Corruption » ;
Vu le Décret du 17 mai 2005 portant organisation de l’Administration centrale de l’État ;
Vu le Décret du 17 mai 2005 portant révision du Statut général de la Fonction publique ;
Vu le Décret du 23 novembre 2005 établissant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif ;
Vu le Décret du 6 janvier 2016 fixant les missions et attributions des organes et services de la Présidence de la République ;
Vu la Loi du 4 mai 2016 remplaçant le Décret du 16 février 2005 sur le processus d’élaboration et d’exécution des Lois de finances ;
Vu le Décret du 30 avril 2023 sanctionnant le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive en Haïti ;
Vu le Décret du 29 septembre 2023 réorganisant l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) ;
Vu le Décret du 10 avril 2024 portant création du Conseil Présidentiel de Transition ;
Vu le Décret du 23 mai 2024 déterminant l’organisation et le mode de fonctionnement du Conseil Présidentiel de Transition ;

Considérant le vide juridique caractérisé par le défaut d’une Loi organique sur l’organisation et le fonctionnement de la Haute Cour de Justice et ses conséquences notables sur l’État de droit, la démocratie et la justice ;
Considérant qu’un instrument juridique sur l’organisation et le fonctionnement de la Haute Cour de Justice est susceptible de mettre fin à un cycle d’impunité en favorisant la mise en accusation des grands Commis de l’État prévus par l’article 186 de la Constitution par la Chambre des Députés et leur jugement par le Sénat s’érigeant en Haute Cour de Justice ;
Considérant qu’il y a lieu de définir la compétence, la composition, le mode de saisine de la Haute Cour de Justice ainsi que d’établir les règles relatives à la poursuite, à la mise en accusation, à l’instruction et au jugement en prenant en compte l’intérêt général, les garanties judiciaires, notamment le droit à un Tribunal compétent, indépendant et impartial ;
Considérant qu’il a lieu de régler un conflit de compétence entre les Tribunaux ordinaires et la Haute Cour de Justice en mettant en œuvre les dispositions de la Constitution relatives à son fonctionnement ;
Considérant que pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, les grands Commis de l’État, prévus par l’article 186 de la Constitution, ne sont justiciables que de la Haute Cour de Justice ; qu’en revanche, pour ceux non liés, ils sont justiciables des Tribunaux de droit commun ;
Considérant qu’en cas de verdict de culpabilité pour des crimes et délits commis dans l’exercice de ses fonctions, le grand Commis de l’État actuel ou ancien pourra être traduit devant les Tribunaux ordinaires, s’il faut appliquer d’autres peines ou statuer sur l’exercice de l’action civile ;
Considérant que le Pouvoir Législatif est, pour le moment, inopérant et qu’il y a alors lieu pour le Pouvoir Exécutif de légiférer par Décret sur les objets d’intérêt public ;

Sur le rapport du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique ;
Et après délibération en Conseil des Ministres ;

DÉCRÈTE

CHAPITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 1er.- Le présent Décret fixe les règles de compétence, d’organisation et de fonctionnement de la Haute Cour de Justice, conformément à la Constitution.

Article 2.- À la suite de la mise en accusation par la Chambre des Députés, à la majorité de deux tiers (2/3) de ses membres, la Haute Cour de Justice siège et juge :
a) le Président de la République pour crime de haute trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l’exercice de ses fonctions ;
b) le Premier Ministre, les Ministres, les Secrétaires d’État pour crimes de haute trahison, de malversations ou d’excès de pouvoir ou tous autres crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions ;
c) les membres du Conseil Électoral Permanent et ceux de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif pour fautes graves commises dans l’exercice de leurs fonctions ;
d) les Juges et Officiers du Ministère Public près la Cour de Cassation pour forfaiture ;
e) le Protecteur du Citoyen pour tous crimes et délits commis dans l’exercice de ses fonctions.

Article 3.- Les crimes de haute trahison ainsi que les délits liés à la malversation et de forfaiture sont définis par la Loi.

Article 4.- La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les grands commis de l’État prévus par l’article 2 tant pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions que pour ceux commis pendant qu’ils étaient en fonction, conformément à l’article 186 de la Constitution.

Article 5.- La saisine du Sénat de la République s’érigeant en Haute Cour de Justice se fait par décision, sous forme de Décret, adoptée par la Chambre des Députés, à la majorité de deux tiers (2/3) de ses membres, conformément à la Constitution.


CHAPITRE II

COMPOSITION DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE

Article 6.- L’Assemblée des Sénateurs s’érige en Haute Cour de Justice.
Les travaux de cette Cour sont dirigés par le Président du Sénat, assisté du Président et du Vice-Président de la Cour de Cassation. Ils forment le collège des Magistrats de la Cour et mènent l’audience jusqu’au verdict, pris sous forme de Décret, adopté sur le rapport d’une Commission parlementaire spéciale et à la majorité de deux tiers (2/3) des membres de la Haute Cour, conformément à la Constitution.

Article 7.- Lorsque des juges de la Cour de Cassation ou des Officiers du Ministère public près de cette Cour sont impliqués dans l’accusation, le Président du Sénat se fera assister de deux (2) Sénateurs dont l’un sera désigné par l’inculpé et les Sénateurs susvisés n’ont pas voix délibérative.

Article 8.- Les membres de la Haute Cour de Justice prêtent individuellement et à l’ouverture de l’audience, le serment ci-après, conformément à la Constitution :
« Je jure devant Dieu et devant la Nation de juger avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme ou une femme probe et libre suivant ma conscience et mon intime conviction ».

Article 9.- Le greffe de la Haute Cour de Justice est assuré par le greffier en chef de la Cour de Cassation, assisté de l’huissier audiencier de ladite Cour.
En cas de besoin, ils sont remplacés respectivement par l’un des greffiers et huissiers audienciers attachés à ladite Cour.
Ils prêtent individuellement et à l’ouverture de l’audience, le serment suivant :
« Je jure de remplir avec probité les fonctions qui me sont assignées, de ne jamais rien divulguer de ce qui sera porté à ma connaissance, de garder précieusement le secret de l’instruction ainsi que des délibérations, en raison de leur exercice ».

 

CHAPITRE III
SAISINE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS, POURSUITE ET MISE EN ACCUSATION

Article 10.- La Chambre des Députés, à l’initiative de deux tiers (2/3) de ses membres, peut s’autosaisir aux fins de mise en accusation, à la majorité de deux tiers (2/3) de ses membres, des grands Commis de l’État prévus par l’article 2 tant pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions que pour ceux commis pendant qu’ils étaient en fonction.
L’acte de demande de mise en accusation expose les faits, les moyens ainsi que les crimes et délits allégués, sous peine d’irrecevabilité.

Article 11.- La Chambre des Députés peut également prononcer, à la majorité de deux tiers (2/3) de ses membres, toute mise en accusation d’un grand Commis de l’État actuel ou ancien sur la base d’un arrêt de débet pris par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif ou en cas de décharge non accordée par les deux (2) Assemblées du Parlement à celui-ci pour les crimes et délits financiers commis dans l’exercice de ses fonctions, conformément à la Constitution.
La Chambre des Députés peut aussi prononcer, à la majorité de deux tiers (2/3) de ses membres, la mise en accusation d’un grand Commis de l’État prévu par l’article 2 tant pour les crimes et délits commis dans l’exercice de ses fonctions que pour ceux commis pendant qu’il était en fonction après étude d’une Commission parlementaire de vingt (20) membres des rapports des Institutions de Lutte contre la corruption et de Renseignements financiers.
Ces rapports doivent être préalablement validés par le Conseil d’Administration de ces Institutions.
Ensuite, après délibération du Conseil des Ministres, ils sont transmis à la Chambre des Députés à la diligence du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique.

Article 12.- La mise en accusation du grand Commis de l’État actuel ou ancien n’a lieu que pour les crimes et délits commis dans l’exercice de ses fonctions. Tous autres crimes et délits non liés relèvent de la compétence exclusive des Tribunaux de droit commun.

Article 13.- Les Tribunaux ordinaires ne peuvent pas connaitre des infractions commises dans l’exercice des fonctions du grand Commis de l’État actuel ou ancien dont la compétence relève exclusivement de la Haute Cour de Justice. Ils s’en dessaisissent d’office ou le sont sur simple acte de renonciation dûment motivé du Commissaire du Gouvernement. Dans ce cas, le chef du Parquet transmet le dossier au Ministre de la Justice pour les suites liées à la saisine de la Haute Cour de Justice, conformément aux dispositions du présent Décret.

 

CHAPITRE IV
INSTRUCTION PAR DEVANT LA HAUTE COUR DE JUSTICE

Article 14.- Une fois saisie dans les formes et conditions établies, la Haute Cour de Justice, au scrutin secret et à la majorité absolue, désigne parmi ses membres, une Commission de trois (3) membres chargée de l’instruction, conformément à la Constitution.
Les règles de l’instruction sont celles établies par le Sénat, relatives aux Commissions parlementaires d’information, d’enquête et de contrôle.

Article 15.- La décision, sous forme de Décret, est rendue sur le rapport de la Commission d’Instruction et validée par la majorité des deux tiers (2/3) des membres de la Haute Cour de Justice.
Un Décret de non-lieu ou de renvoi clôt l’instruction.
Toutefois, le Décret de non-lieu dessaisit définitivement la Haute Cour de Justice.

Article 16.- Aucun membre du Collège des Magistrats de la Haute Cour de Justice ne peut être récusé pour quelque motif que ce soit.
Néanmoins, l’accusé, par le biais de son Conseil, peut évoquer tous vices de forme ou de procédure, voire soulever toutes exceptions généralement quelconques dans l’intérêt des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable.
Tout vice de procédure entraîne la reprise de la procédure à la phase de l’instance où elle a été viciée.

 

CHAPITRE V
JUGEMENT, PLAIDOIRIES ET DÉCISION

Article 17.- Le Collège de la Haute Cour de Justice fait procéder à la formation d’une Commission spéciale de cinq (5) membres chargée de la mise en accusation.
L’Assemblée de la Haute Cour, au scrutin secret et à la majorité absolue, désigne parmi ses membres, les Commissaires-accusateurs.
Hormis les vices de procédure, tous autres incidents sont joints au fond pour être définitivement traités par l’arrêt de la Haute Cour de Justice.
Ces incidents sont traités dans le jugement du fond et avant le verdict final.

Article 18.- Le Collège des Magistrats de la Haute Cour de Justice, les Commissaires-accusateurs ainsi que les Avocats du Conseil de la défense interrogent directement et à tour de rôle le ou les accusés, conformément aux règles applicables en matière de procédure pénale et dans le respect des droits de la défense et des garanties judiciaires.

Article 19.- Le Collège des Magistrats de la Haute Cour de Justice procède à tous actes jugés indispensables à la manifestation de la vérité, conformément au droit parlementaire, aux règles de la procédure pénale et aux Traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par Haïti.

Article 20.- Une fois les débats particuliers déclarés fermés, les débats généraux sont ouverts.
Les Commissaires-accusateurs soutiennent l’accusation.
Le Conseil de l’accusé présente et soutient sa défense au fond. Des répliques sont admises.
La défense a toujours la parole en dernier.

Article 21.- Le Collège de la Haute Cour de Justice soumet à l’appréciation de l’Assemblée un projet de décision prenant en compte à la fois le réquisitoire des Commissaires accusateurs et la demande du Conseil de la défense.

Article 22.- La décision de l’Assemblée est prise sur la base de la question cruciale suivante :
« L’accusé est-il coupable des faits qui lui sont reprochés dans l’acte d’accusation » ?
Le verdict est adopté à la majorité des deux tiers (2/3) des Sénateurs.

Article 23.- En cas de verdict de condamnation, le grand Commis de l’État actuel ou ancien peut écoper d’une peine de privation du droit d’exercer toute fonction publique durant cinq (5) ans au moins et quinze (15) ans au plus, sans préjudice de la saisine des Tribunaux ordinaires s’il y a lieu d’appliquer d’autres peines ou de statuer sur l’exercice de l’action civile.
Le grand Commis de l’État actuel, outre les peines sus-évoquées, est destitué et déchu de ses fonctions.
En cas de verdict reconnaissant uniquement l’existence de faute grave non assimilée à des crimes et délits, l’accusé peut être uniquement destitué par la Haute Cour de Justice.

Article 24.- La Haute Cour de Justice, une fois saisie, siège jusqu’au prononcé de la décision, sans tenir compte de la durée des sessions du Corps législatif, conformément à la Constitution.

 

CHAPITRE VI
DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 25.- Les dispositions constitutionnelles et celles du présent Décret concernant le Président de la République sont applicables tant pour le présent que pour l’avenir aux Conseillers-Présidents pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, conformément à la Constitution et au Décret du 10 avril 2024 portant création du Conseil Présidentiel de Transition.

 

CHAPITRE VII
DISPOSITIONS FINALES

Article 26.- Le présent Décret entre en application dès sa publication dans le Journal de la République « Le Moniteur ».

Article 27.- Le présent Décret abroge toutes Lois ou dispositions de Lois, tous Décrets-Lois ou dispositions de Décrets-Lois, tous Décrets ou dispositions de Décrets qui lui sont contraires et sera publié et exécuté à la diligence du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique.

 

 

 

Donné au Palais National, à Port-au-Prince, le 1er décembre 2025, An 222e de l’Indépendance.

Par le Conseil Présidentiel de Transition :
Pour le Conseil :
Le Conseiller-Président Laurent SAINT-CYR
Le Premier Ministre Alix Didier FILS-AIMÉ
Le Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales Paul Antoine BIEN-AIME
Le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique Patrick PÉLISSIER
Le Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes Jean-Victor Harvel JEAN-BAPTISTE
La Ministre des Haïtiens vivant à l’étranger J. E. Kathia VERDIER
Le Ministre de l’Économie et des Finances Alfred Fils METELLUS
La Ministre de la Planification et de la Coopération Externe Marie D. A. Ketleen FLORESTAL
Le Ministre de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural Vernet JOSEPH
Le Ministre des Travaux Publics, Transports et Communications Raphaël HOSTY
Le Ministre du Commerce et de l’Industrie James MONAZARD
Le Ministre du Tourisme John Herrick DESSOURCES
Le Ministre de l’Environnement Moïse JEAN-PIERRE Fils
Le Ministre de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle Augustin ANTOINE
Le Ministre de la Culture et de la Communication Pr. Patrick DELATOUR
Le Ministre des Affaires Sociales et du Travail Georges Wilbert FRANCK
Le Ministre de la Santé Publique et de la Population Bertrand SINAL
La Ministre de la Condition Féminine et des Droits de la Femme Pédrica SAINT JEAN
La Ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique Niola Lynn Sarah DEVALIS OCTAVIUS
Le Ministre de la Défense Jean Michel MOÏSE

Achevé d’imprimer par Presses Nationales d’Haïti - Port-au-Prince
ISSN : 1683-2930 • Dépôt légal : 85-01-027 Bibliothèque Nationale d’Haïti
© Tous droits réservés 2025

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