NB: Cet article fait partie de la rubrique Les Cahiers de la Refondation, il a été rédigé dans le but de donner une vision plus claire de l’article 2 de l’Avant-projet de Constitution de Juin 2025 proposée par l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ)
Cliquez ici pour voir l’Avant-projet : https://www.assembleenationaledelajeunesse.com/nos-travaux/2520032_proposition-par-l-anj-d-avant-projet-de-constitutio n-de-la-republique-d-hayti-2025
Auteurs : Woldenskee Minviel et Kenny Thelusma & Éditeur web : Godson Moulite

Résumé
Ayiti (Hayti, Haïti), marquée par une histoire coloniale et une centralisation excessive, souffre d’une organisation territoriale inefficace et morcelée. Depuis les caciquats taïnos jusqu’aux départements actuels, le pays a vu son territoire se fragmenter, aggravant les inégalités et entravant le développement local. L’article met en lumière les héritages coloniaux des structures administratives et des toponymes, qui perpétuent une logique centralisatrice et aliénante. Face à cette crise, l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ) propose une refondation décoloniale du territoire, s’inspirant des modèles historiques taïnos pour créer trois régions autonomes (Marien ou Nord, Maguana ou Centre et Xaragua ou Sud), dotées de compétences réelles et d’une participation citoyenne active. Cette réforme vise à rompre avec les vestiges coloniaux, à renforcer l’identité culturelle et à instaurer une gouvernance équitable et décentralisée.
Introduction générale
Hayti est pays unique avec un environnement particulier, le paysage du pays est en grande partie constitué de montagnes, ce qui a favorisé pendant un mong temps une division territoriale claire et efficace. Cependant en considérant l'évolution et les changements operés dans l'organisation territoriale d'Hayti il est à noter qu'avec le temps l'administration territoriale du pays a considérablement changé. Pour mieux comprendre ces changements il faut remonter à la première division territoriale connu d'Hayti, la période des taïnos, arawaks et caraïbes.
Historicité multimillenaire des civilisations d'Ayiti
Aménagement territorial durant la période préhistorique d’Ayiti (Casimiroïde, Cenaba, Taïnos)
L’aménagement territorial dans les Caraïbes dites précolombiennes, notamment sur l’île d’Ayiti (actuelle Haïti/République Dominicaine), s’est développé sur plus de 6000 ans, depuis les premières occupations des groupes Casimiroïdes et Cenabas jusqu’à l’épanouissement de la culture taïno. Selon Gilbert R. Valmé (2012), ces sociétés ont structuré leur espace selon des logiques à la fois fonctionnelles et symboliques. Les Batey (places centrales des villages), Yucayequey (grand groupe d’agglomérarions) et Caney (habitations des caciques), la production artisanale, les systèmes d’irrigation, le réseau fluvial, la gestion sylvestre et de la faune, et le réseau des grottes et des eaux souterraines formaient un système territorial hiérarchisé, reflétant une organisation sociale complexe.
Stratégies d’occupation et héritage culturel
L’analyse des implantations humaines révèle une adaptation progressive aux milieux côtiers et montagneux, avec une diversification des modes d’habitat et des réseaux d’échange interinsulaire. Les travaux de Valmé mettent en lumière l’existence de centres cérémoniels alignés sur des repères astronomiques, suggérant une maîtrise avancée de l’espace à des fins rituelles et politico-administratives. Ces aménagements, bien que souvent méconnus du grand public, constituent un patrimoine préhistorique essentiel pour comprendre les dynamiques territoriales antérieures à la colonisation occidentale (espagnole, française, anglaise) de l’île d’Ayiti.

Période taïnos (avant 1492)
Les Taïnos, en particulier, ont optimisé l’usage des ressources naturelles par des techniques agricoles (culture sur monticules, irrigation) et une répartition spatiale adaptée aux contraintes géographiques, comme en témoignent les sites archéologiques de la région. Les pratiques taïnos, influencées par les héritages Casimiroïdes et Cenabas, illustrent comment des sociétés agricoles, céramiques, pétroglyphiques, matrilinéaires, ont pu modeler durablement leur environnement, laissant des traces encore perceptibles dans le paysage caribéen contemporain. Toutefois, au temps des Taïnos, la division territoriale de l'île d'Ayiti était repartie sur cinq grands royaumes fédérés sans un réel pouvoir central, ces cinq caciquats étaient : Marien (Nord-Ouest), Maguana (Centre), Maguá (Nord-Est), Jaragua (Sud-Ouest), Higuey (Est, principalement côté dominicain aujourd’hui). Cette division territoriale favorisait un développement local axé sur l'exploitation et la gestion des ressources locales, par exemple dans le Caciquat du Xaragua tous les ressources xaraguéens étaient exploitées par et pour la population xaraguéenne; ce fut de même logique pour les autres caciquats. Ainsi avec la sédentarisation de Taïnos, le paysage naturel de l’île d’Ayiti, selon Valmé (p. 4), devient culturel par son appropriation sociale, à savoir un territoire ancestral à gérer pour des générations futures.
Période coloniale espagnole (1492 – 1697)
Avec l’arrivée de Christophe Colomb en 1492, les colons Castillans donc l’Espagne prennent possession de l’île, qui dès lors a été sur l’emprise de la domination immédiate, la croix de la colonisation fut plantée, le nom Ayiti, terre montagneuse plantée dans l’oubli, l’occultation des autochtones Taïnos qui sont devenus des Indiens, le mon natif de leur pays Ayiti doit laisser place à Hispaniola, petite Espagne, possession, société colonisée par l’Espagne donc de l’Europe ibérique, et dominée par des colons Hollandais, Anglais et Français, d’abord en petit nombre puis en bande dans la commercialisation et esclavagisation des personnes d’origine africaine. Ainsi, les colons implantent des encomiendas, principalement dans la partie Est de l’île. La partie Ouest, future Hayti (Haïti), reste peu structurée sur le plan administratif durant cette période de domination coloniale et de destruction génocidaire et esclavagiste (Trouillot, 1990).

Période coloniale française (1697 – 1801)
Le traité de Ryswick (1697) marque le transfert officiel de la partie Ouest de l’île Ayiti convertie en Hispaniola à la France, qui la nomme Saint-Domingue, francisation du nom espagnol colonial de Santo-Domingo. La colonie est divisée en trois provinces : le Nord, l’Ouest et le Sud, correspondant aux principales zones d’activités sucrières et caféières (Léger, 1907).
Révolution ayitienne de Saint-Domingue et première fusion de l’Est (1801‑1804)
Toussaint Louverture, dès 1801, intègre la haute vallée de l’Artibonite, le Cibao et Azua dans les départements de Saint-Domingue, créant de fait une emprise à l’Est (Théodat, p. 297‑309)
Révolution haytienne de Saint-Domingue et deuxième fusion de l’Est (1804‑1807)
Jean-Jacques Dessalines, en 1805, transforme ces structures territoriales louverturiennes en 6 Divisions militaires (Art 15, Constitution 1805), intégrant davantage l’Est mais provoquant des résistances civiles à Santiago et Moca (Théodat, p. 300‑305).
Indépendance d’Hayti, Assassinat de Jean-Jacques Dessalines et Scission Nord–Sud (1807‑1820)
Après l’assassinat de Dessalines en octobre 1806, deux États coexistent : Le Royaume du Nord (avec Henry Christophe comme chef d’État) avec deux départements (Nord, Artibonite); la République du Sud (avec Alexandre Pétion comme chef d’État) avec deux départements (Ouest, Sud). L’Est contient plusieurs partidos municipaux, conservant son identité locale distincte (Théodat, p. 307‑308).
Unification sous Boyer (1822‑1844)
En envoyant ses armées à Santo Domingo le 9 février 1822, Jean Pierre Boyer déclara l’île d’Ayiti « une et indivisible », un rêve qui dura 22 années, mais les structures haïtiennes sont imposées à l’Est via les départements d’Ozama et du Cibao, sans abroger les anciennes limites (Théodat, p. 308‑309). La résistance dominicaine s’organise notamment autour de la défense de la culture régionale et du refus du travail forcé (Théodat, p. 309).
Indépendance dominicaine et réforme territoriale (1844‑1859)
Le 27 février 1844 (aujourd’hui célébré comme la date de naissance de la nation dominicaine), la République dominicaine s’affirme, revenant aux divisions antérieures, et rejetant ce que les dirigeants appellent l’assimilation haïtienne (Théodat, p. 310‑312). Haïti adopte au milieu du 19ème siècle une structure reposant sur trois grandes régions (Nord, Sud, Ouest) polarisées par des métropoles régionales (Théodat, p. 314).
Quant à la République dominicaine, elle sera composée de cinq 5 provinces (Art 4, Constitution de 1844 de la RD): la région Compostela de Azua, la région de Santo Domingo, la région de Santa Cruz del Seibo, la region de Concepción de la Vega et la région de Santiago de los Caballeros.
20ème siècle et époque contemporaine
L'époque contemporaine d'Haïti traduit une division plus marquée du territoire. Sous Duvalier, notamment vers les années 1962, Haïti passe de 5 à 9 départements (Smith, 2009). En 2003, le président Aristide créé le département des Nippes, portant le total à 10 départements (Décret 12 sept. 2003). Aujourd’hui Haïti compte 10 départements, 42 arrondissements, 145 communes, 571 sections communales (IHSI, 2009).
Que faut-il comprendre de la division territoriale d'Ayiti de 1492 à nos jours?
De 1492 à 2025, Haïti a connu de nombreuses transformations en termes de divisions territoriales. Depuis la scission avec la République dominicaine en 1822, le territoire haïtien s’est réduit de plus de la moitié, tandis que le nombre de divisions territoriales a considérablement augmenté. En 1492, pour une superficie d’environ 76 484 km², l’île d’Ayiti comptait cinq caciquats, équivalents à nos départements actuels ou aux régions dominicaines (dirait-on). En 1805, Hayti possédait (hors des contraintes matérielles) la même superficie, répartie cette fois en six grandes Divisions militaires. Aujourd’hui, avec seulement 27 750 km², la République d’Haïti est divisé en dix départements. Ce qui veut dire que de 1492 à 2025 Ayiti a connu un morcellement excessif de son territoire. Une île pour deux États indépendants, et la République dominicaine, le grand gagnant avec une superficie de 48 442 km², ce qui représente à peu près deux tiers dans l’Est de l’île.
Du point de vue administrative et territorial, la République dominicaine est divisée en 31 provinces auxquelles s’ajoutent le District de la capitale Saint Domingue (Santo Domingo en espagnole, langue administrative). En effet, chaque province est dirigée par un gouverneur, nommé par le président. Et Ces gouverneurs sont responsables de l'administration de leur province respective.
Inefficacité de l’organisation territoriale actuelle
En Haïti, quand on parle de décentralisation, on a souvent tendance à l'assimiler au découpage excessif du territoire. Dans le projet de décentralisation émis depuis 1987, les dirigeants ont multiplié le nombre de communes du pays dans le but de rendre, disent-ils, le pouvoir plus proche de la population. Cette réalité théorique est aggravée dans l'Avant-projet de Constitution de mai 2025, lequel document propose environ 725 communes pour seulement 27 750 km2. Cette multiplication des unités territoriales, malgré une réduction drastique du territoire, entraîne une diminution significative des ressources disponibles pour chaque division, et tout ceci hors de toute création d’institution de participation et de délibération des citoyens et citoyennes capables de faciliter les prises de décisions politiques véritablement démocratiques au niveau local.
Vincent (2025) souligne que dans un système centralisé, les petites unités territoriales peinent à mobiliser des ressources suffisantes, ce qui affaiblit leur capacité de développement local. De plus, Deshommes (s.d.) évoque la concentration excessive des services publics à Port‑au‑Prince, qui prive les communes de moyens humains et financiers, accentuant les disparités régionales.

En termes de gouvernance, Oriol et ses collègues (1994) notent que la Constitution de 1987 a instauré des structures décentralisées, sections communales, communes, départements mais ces mécanismes restent largement inopérants faute de ressources et de volonté politique. Tout cela implique un blocage dans le développement local et freine la décentralisation, car les collectivités manquent à la fois de moyens financiers et d’autonomie réelle. À l’échelle locale, cette situation limite l’accès aux services publics, empêche les décisions adaptées au territoire, et renforce la centralisation déficiente de l’État haïtien.
En effet, le projet de la décentralisation prôné par la Constitution de 1987 a été étudié des chercheurs de différents horizons académiques et théoriques. Et notamment chez Peterson Derolus (2018), cette structure de pouvoir est conçue comme une « stratégie d’intégration des collectivités territoriales » faite afin de « consolider le rapport social, spatial, donc colonial dans le contexte de remise en question de l’État colonial et autoritaire en Ayiti ».
Cela étant, pour que l'administration soit efficace et pour que la décentralisation soit effective, il faudrait préalablement transférer certains des pouvoirs centraux aux pouvoirs locaux, des pouvoirs comme la gestion du budget local ou la construction et les infrastructures locaux, mais surtout la création des institutions politique de participation citoyenne. Il faudrait donc aussi, une décentralisation au sens strict du terme, non pas une décentralisation-décontration qui conserve des capacités importantes au sein du pouvoir central. Il faut plutôt une décentralisation qui dévolue des pouvoirs nécessaires axe sur l'autonomie et la participation populaire dans des institutions de démocratisation ou de participation citoyenne à la l’action publique.
Sur ce, Pierre Louis (2018, pp. 72-73) rappelle que la Constitution de 1987 amandée en 2011 « ponctue la souveraineté nationale sur la procédure de la souveraineté populaire ». En effet, cette dernière requiert, souligne l’auteur d’abord, « l’engagement et la responsabilité de soi des citoyens plutôt que la seule participation électorale pour autant que cette dernière confère une participation à l’organisation de l’État par délégation de pouvoir à des mandataires ». Cela étant, le mode de participation effective ou non quant à l’exercice des prérogatives de la souveraineté populaire et de la souveraineté nationale délégué aux représentants et de la délégation de cet exercice ou encore sur le mode de concrétion institutionnelle des dispositions y relatives constitue une problématique majeure du processus démocratique au cœur de la décentralisation du point de vue politique autrement dit de la participation citoyenne dans les prises de décisions au niveau local et national.
Comparaison entre le découpage territorial en Haiti avec ceux d'autres pays semblables en superficie et régions.
Un des facteurs clé du développement inégalitaire haïtien réside dans la reproduction de structure coloniale de gestion sociale, spatiale et de l’inefficacité de sa stratégie de décentralisation, tant sur les plans administratif, politique, fiscal, judiciaire que territorial. Le pays est actuellement divisé en dix départements pour une superficie de seulement 27 750 km². Ce morcellement excessif ne semble pas justifié si l’on observe la situation d’autres États de taille pareille et comparable.
Par exemple, la Suisse, avec une superficie de 41 285 km² (soit 1,48 fois celle d’Haïti), ne compte que 7 régions, ce qui représente un ratio de 5 898 km² par unité territoriale. La République dominicaine, notre voisine directe, compte actuellement 3 grandes régions (non-formelles) pour un territoire de 48 442 km², presque le double du nôtre, soit 12 110 km² par région. Ces deux pays ont donc fait le choix d’unités territoriales plus larges et plus cohérentes, facilitant la coordination des politiques publiques.
Même en élargissant la comparaison, le découpage haïtien apparaît disproportionné. La France, un pays pourtant hexacontinental, par exemple, avec ses 96 départements pour 551 500 km², compte un département pour environ 5 744 km². À ce rythme, Haïti, avec 27 750 km², devrait théoriquement avoir 5 départements au lieu de 10. Autrement dit, le pays possède en moyenne deux fois plus de départements que la France en proportion de la superficie. En se référant à d’autres États de superficie similaire, cette anomalie devient encore plus visible. Le Rwanda (26 338 km²) est divisé en 5 provinces, soit un ratio de 5 267 km² par province. La Belgique (30 689 km²) est divisée en 10 régions, soit 3 068 km² par unité, et les Pays-Bas (41 543 km²) en 12, avec 3 462 km² par région. Ces pays ont misé sur une structure administrative compacte, propice à une meilleure gouvernance, un contrôle plus efficace des ressources et une administration publique plus performante.
En comparaison, Haïti affiche une moyenne de 2 775 km² par département, ce qui fait de son découpage administratif un des plus fragmentés au monde pour sa superficie. Ce morcellement territorial fragmente l’autorité centrale, disperse les ressources, alourdit la bureaucratie, et rend difficile l’exécution des politiques publiques dans un contexte d’absence totale de toute participation citoyenne dans les prises de décisions politiques au niveau local. Ainsi, la multiplication des entités administratives dans un espace aussi restreint limite l’efficacité de l’action publique et empêche l’émergence de pôles régionaux solides, indispensables à un développement territorial équilibré.
Risques d’un morcellement excessif
L’un des problèmes fondamentaux de l’organisation territoriale actuelle d’Haïti réside dans le morcellement excessif du territoire national. Si, à première vue, multiplier les divisions administratives peut sembler rapprocher l’État des citoyens, dans la pratique, cela aboutit souvent à une fragmentation des ressources, une inefficacité institutionnelle et une surcharge bureaucratique.
Des études menées par Jean-Paul Faguet (2012) et Jonathan Rodden (2004) démontrent que lorsqu’un État multiplie les subdivisions sans renforcer leur autonomie ni assurer une redistribution équitable des ressources, il affaiblit la capacité de gouvernance à tous les niveaux. Le budget national, déjà limité, est dilué entre des centaines de collectivités territoriales qui peinent à fonctionner de manière autonome.
En conséquence, les petites unités administratives sont souvent incapables de financer des infrastructures, de mobiliser des ressources humaines qualifiées ou de planifier un développement local cohérent.
D’autres recherches menées par Treisman (2000) et Gennaioli & Voth (2015) mettent également en lumière les effets pervers d’un tel morcellement : une corruption locale exacerbée par le manque de supervision, la redondance administrative et une absence de responsabilité claire. En Haïti, cette situation empire du fait que la centralisation du pouvoir demeure forte, alors que les collectivités locales n’ont ni autonomie réelle, ni ressources suffisantes pour jouer leur rôle. Autrement dit, une multiplication des communes ou des départements sans un transfert réel de pouvoir politique, financier, administratif n’est pas synonyme de décentralisation, mais d’éclatement territorial et institutionnel.
Colonialité territorial ou Problèmes géographiques et symboliques liés au découpage territorial actuel
En plus des obstacles politiques et institutionnels, Haïti fait face à une série de contraintes géographiques majeures que le découpage territorial actuel ignore complètement. Environ 75 % de la superficie nationale est composée de chaînes de montagnes, rendant difficile la communication, le transport de marchandises, l’accès aux services de base et la mise en œuvre d’une politique territoriale équitable (UNEP, 2023). Le découpage administratif ne tient pas compte de ces réalités physiques et divisant souvent des zones enclavées qui devraient être pensées comme des blocs homogènes.
Par ailleurs, un autre aspect souvent négligé par l’historiographie dominante ou néocoloniale concerne les noms attribués aux départements, communes, sections communales et quartiers. Les Taïnos ont organisé et dénommé le territoire et la biodiversité dans son ensemble. L’occultation ou colonisation et (coloniatié) toponymique est selon Madubuike, I., (1976), Uluocha, N. O., (2015) et Reinhard, W., (2017) l’un des actes fondateurs de la colonisation européenne de la Caraïbe, du continent Abya Yala ou Patchama (Terre Ferme, Nouveau Monde désormais Amérique) et du reste du monde (voir Enrique Dussel, 1992).
La colonialité territoriale et toponymique telle que abordée ici, désigne la persistance des structures et logiques coloniales dans l'organisation spatiale et administrative d'un territoire postcolonial, marquée par des découpages arbitraires, des toponymies imposées, une centralisation excessive du pouvoir et une marginalisation des savoirs et identités locales. Elle se manifeste par la fragmentation administrative inefficace, la perpétuation de noms coloniaux occultant les héritages autochtones, et la concentration des ressources dans des centres urbains au détriment des régions périphériques, reproduisant ainsi des inégalités spatiales et socio-économiques héritées de la domination coloniale (Voir Mignolo, W., 2000 ; Valmé, G., 2012 ; Derolus, P., 2018 etc). Cette notion souligne l'urgence d'une décolonisation et décolonialisation territoriale intégrant des réformes toponymiques, une décentralisation effective et une réappropriation des dynamiques locales historiquement niées.
La colonialité territoriale d’Ayiti dans ses manifestations onomastiques
La toponymie actuelle en Ayiti est non seulement confuse, floue, coloniale mais parfois contre-productive. Jacques de Cauna (2008), a publié un article fort révélateur sur cette problématique et son titre est : L’onomastique haïtienne : aspects, origines et problèmes de l’anthroponymie et de la toponymie d’Haïti. En effet, l’auteur, née en 1948 à Bordeaux, ancienne ville de colons esclavagistes pratiquant la traite des personnes d’origine africaine, de nationalité de l’ex-empire coloniale ou de l’actuel France hexacontientale et de formation en histoire, Jacques de Cauna analyse l'onomastique haïtienne (noms de lieux et de personnes) en soulignant ses origines coloniales françaises, ses mutations post-indépendance, et ce qu’il aborde comme, dit-il, sa richesse linguistique. Il identifie trois sources principales :
1. Toponymie coloniale :
a)- Macrotoponymes : Noms de régions et villes comme Cap-Haïtien (ex-Cap-Français), Fort-Liberté (ex-Fort-Dauphin), ou Bombardopolis (fondée par des colons allemands) ; b)- Microtoponymes : 8 500 noms d'habitations coloniales (Laborde, Marsan, Dupoey), souvent d'origine aquitano-gasconne (40% des colons). Ces noms persistent via la transmission orale malgré l'absence de cadastre. Toutefois, l’auteur parle d’origines diverses : a)- Taïno : Haïti (terre montagneuse), Gonaïves, Miragoâne ; b)- Espagnole : Tiburon (requin), Jacmel ; c)- Française ou Descriptive/poétique : Le Petit-Trou-de-Nippes, Dame-Marie (de l’espagnol Dona Maria, devenue Dalmarie), Bombardopolis, Le Borgne, Mombin Crochu (d’une petite prune), les deux Port-à-Piments ou Saltrou (rebaptisée Belle-Anse), la palme revenant sans doute à L’Etronc-à-Porc, dans le sud, qui fleure bon son origine flibustière.
2. Anthroponymie (noms de personnes) :
Noms des personnes esclavées : Surnoms chrétiens comme Jean-Baptiste Caradeux (de l’habitation Caradeux) ou Jean-Baptiste Dumornay (de l’habitation Dumornay). Ces familles portent le nom d’un colon blanc sans en être la postérité, sobriquets ou surnoms créoles plus ou moins faciles à porter : Mandé, Paré, Bouqué (fatigué), Grandgoût (faim), Goulou (goulu, gourmand), Cabrouet (char à bœufs), Calebasse, Maringouin, Boisèche, Yoyo, Coco, Zozo, Patate, Macaque, Papaye (devenu Papalier ?), Coucouille, Mabouya (gros lézard), Chita (assis), Bobotte, Fatras (déchet, ordure)., pour les plus originaux dit-il, des survivances africaines, assez peu nombreuse et parfois créolisées et difficiles à reconnaître, comme Amousse qui pourrait venir de Moussa, Moussi, descendant de Moïse ; Couacou qui rappelle une dynastie royale du Ghana ; Candio, de « Can », la voix en mandingue, et « Diau », qui porte, belle ; Agana, d’Anangana, dieu suprême des Baulé de Côte d’ivoire, Guinga, de N’ganga, prêtre au Congo ; Abraka, d’un titre walo que portait le chef ou le roi ; Mabiale, nom d’une ethnie du Congo devenu en créole synonyme de dureté, sévérité, méchanceté ; Balba, de Balba, père en yoruba, ; Haoussa, nom de « nation » et prénom malinké, Aoussy ou Aoussé ; Tatriba, Toutrouby, qui évoque l’idée de rassemblement que l’on trouve dans l’arabe « riba » ; Sanon, du mandingue Sanou, or ; Coco, qui évoque un port du Dahomey et un roi du Ghana ; Alya ou Alia, nom de l’ancien royaume baol au Sénégal et de la divinité de la terre (Alé) chez les Ibos, Marabou, de l’arabe « morabit », moine soldat, pieux ermite ou saint de l’Islam, qui en créole désigne un type de métis d’Indien et de Noir, aux cheveux fins.
Et enfin, l’historien de la république hexacontinetale aborde en dernier lieu, des sobriquets ou surnoms créoles plus ou moins faciles à porter : Mandé, Paré, Bouqué (fatigué), Grandgoût (faim), Goulou (goulu, gourmand), Cabrouet (char à bœufs), Calebasse, Maringouin, Boisèche, Yoyo, Coco, Zozo, Patate, Macaque, Papaye (devenu Papalier ?), Coucouille, Mabouya (gros lézard), Chita (assis), Bobotte, Fatras (déchet, ordure).
Cela étant, il a eu une Transmission post-1804 : Les anciens esclavés ou esclavagisés adoptent des noms de colons Darbonne, Danache (Alexandre d’Hanache), Dabady, Dalencour, Dambreville, Débrosse, Dégouttes, Dégraf ou Desgraf (de Laurent de Graaf, célèbre flibustier hollandais), Delatour, Delaunay, Démesmin (de Mesmin), Depestre (du colon belge Joseph de Pestre, comte de Séneffe), Desgrottes (Marraud des Grottes), Derenoncourt, Desmarrates (Baudouin des Marattes), Desrouleaux (nom d’un libre, célèbre pâtissier dit-on), Destouches, Desvarennes, Devesin (de Vézien), Domond (l’abbé d’Osmond, pris avec les « brigands » en 1791 et « mené en prison avec ses chères compagnes »), Dorléans (prénommé Henri l), Destin (qui disent descendre de l’amiral d’Estaing), Dorval, Duchatellier, Duplessis (Mauduit du Plessis ou d’Aubremont-Duplessis), Duverger, Duvivier, ou des prénoms inventifs (Asséfille – « assez ou trop de filles ») etc.
Mais surtout des noms mythologiques ou historiques que rappelle De Cauna, l’on affectionnait sur les navires et qui provenaient souvent du voyage de traite : Scipion, Neptune, Thélémaque, Phoebus, Hyppolite, Hector, Charlemagne, Molière, Racine, Moïse, Minerve, Junon, Lucrèce... des noms « interlopes », issus de la traite de contrebande, assez rares, tels que Rodney, Jolly, Bissinthe, Misis, Tony, Coffi (pour l’anglais Coffee ou le prénom ghanéen Kofi ?), Ouany, Manuel...
3. Enjeux patrimoniaux : Menaces sur la transmission orale des microtoponymes.
De Cauna parle d’erreurs cartographiques ou d’erreurs de transcription par les institutions officielles (Charité pour l’habitation Charritte, du nom du gouverneur béarnais Casamajor de Charritte qui n’a rien a à voir avec les Pères de la Charité, eux aussi propriétaires d’une habitation voisine, ou bien le carrefour Seize, au Dondon, qui n’est pas un chiffre mais bien le nom de la famille bordelaise de Sèze, celle de l’avocat de Louis XVI, la rivière Fossecave dans le Sud, du nom du colon de Capbreton, devenue rivière Fausse Cave, l’habitation Leroux, devenue on ne sait pourquoi Lahoux, ou mieux encore Chastenoye (du colon Cochard de Chastenoye), transcrite de manière absurde Chatte Noire, certainement sur une interprétation « à l’oreille » du créole chatnwè) dues à une méconnaissance des archives coloniales.
Vers une critique décoloniale de l'onomastique en Haïti (noms de lieux et de personnes)
Une analyse décoloniale révèle les limites de l'approche de De Cauna, centrée sur l'héritage colonial sans interroger ses violences symboliques. D’où portant provient et perpétue :
L’invisibilisation des résistances autochtones et africaines ; Le quasi effacement taïno : Bien que mentionnant Haïti et Quisqueya, De Cauna néglige la réappropriation politique de ces noms après 1804, symbole de rupture avec le colonialisme ; La toponymie taïno et africaine marginalisée : Les toponymes d'origine taïno (Yaguana transformé en Léogane ; Yaquimo, en Aquin ; Guanabo, en Gonaïves ; Miraguano, en Miragoâne, Baie de Zaragua en Port-Républicain puis en Port-au-Prince etc.) ; invisibilisation des toponymes d’origine africaine (Doko, Limbe, Makaya, Dahomey etc) ou les patronymes d'anciens esclavés ou esclavagisés (Makandal, Fatima, Toya, Yayou) sont completement occultés comme, donc sans lien avec la résistance culturelle des octhoctones et des auto-libérés dits des marrons.
Perpétuation de la logique plantationnaire
Patronymes coloniaux comme « conservatoire » : De Cauna célèbre la préservation des noms de colons (Laborde, Carrère), occultant comment cette pratique inscrit dans l'espace la domination des anciens maîtres. Après 1804, reprendre ces noms était souvent une stratégie de survie sociale, non un choix libre. En effet, cette problématique est étudié hors de tout esprit critique systémique : L’onomastique actuelle de la République d’Ayiti reflète un « complexe de plantation » persistant : les microtoponymes (Habitation Leroux, devenue Lahoux, ou mieux encore Chastenoye (du colon Cochard de Chastenoye), transcrite de manière absurde Chatte Noire ou Duvivier, nom du colon de la Plaine) maintiennent une géographie mentale esclavagiste, malgré l'indépendance.
Défis de la patrimonialisation
Les recherches de Saint-Méry, Description de Moreau, Baron de Vastey, Le système coloniale dévoilé et Jean Fouchard, Les marrons de la liberté ou même de Jacques de Cauna sous étude ici témoignent d’un Mémoire sélective : Les vestiges d'habitations coloniales sont des « lieux de mémoire » ambivalents : si De Cauna y voit un patrimoine à préserver, une lecture décoloniale souligne qu'ils glorifient l'exploitation et la colonialité de l’espace et de l’être ayitien.
Des lors, une dynamique mémorielle alternative paraît tant nécessaire et fondamentale. Les pratiques populaires (Pic Makaya ou pic des arbres ou des feuilles) ou les noms toponymiques (Limbé, Dahomey, Doko, Lakou Souvnans, Lavilokan, nan Gonmye, nan Dèlbo) illustrent une réappropriation décoloniale non abordée par l'auteur. Autrement dit, une conclusion même partielle implique de soutenir une toponymie réparatrice. Pourtant l’article de De Cauna, précieux pour l'historien, révèle ses angles morts sous l'éclairage théorique décolonial. Cela étant, ce problème d’occultation des résistances, fétichisation de l'héritage colonial, silence sur les violences de l'esclavage inscrites dans les noms contrevient aux véritables aspirations d’une société libérée des héritages aliénants de la colonisation. Ainsi, les pistes solutions requièrent : a)- une Cartographie participative intégrant les toponymes taïnos et africains ; a)- la Patrimonialisation centrée sur les lieux de marronnage (ex: Pic Makaya, Doko, Limbé, Dahomey, Lakou Badyo, etc.) ; c)- la Reconnaissance des créations onomastiques populaires comme actes de décolonisation linguistique et symbolique.
Tout compte fait, Ki kote ou soti ? ("De quelle habitation es-tu ?) – Cette question paysanne, rappelle que la toponymie ayitienne reste un champ de bataille mémoriel où se joue la réappropriation de l'histoire et de la mémoire systématiquement détruite par la modernité coloniale et raciale occidentalocentrée. Pour ceux et celles qui refuseraient de renverser la colonialité toponymique, d’autres exemples sont encore nécessaires mais peut-être restent-ils toujours insatisfaits après tant d’années d’accommodage avec les non-sens et la négation totale de signifiants épistémiques et de valeurs positives.
D’autres noms comme « Nippes », qui signifie littéralement « vêtements usés » (Larousse), ou « Grande Anse », un oxymore géographique « grande petite baie », « Hinche » qui provient de l’espagnol « Hinchar » et qui signifie, « gonfler ou enfler », évoquerait une rivière en crue ou « Hincha » signifiant « Haine, Anpatie » et dans l’usage familier actuel (Michel Bénaben, 2019, p. 215) « Supporter, Mordu, Fana, Fan », donc tout supporter qui se respecte gonfle ses poumons pour crier son soutien à son club favori ». Las Cahobas « Lascahobas » donc d’origine possible, de l’altération de l’espagnol « Las Caboas » qui signifie « Les chevilles », ce qui fait référence à des poteaux de limite. Bombardopolis composé de « Bombarde » donc « Bombe ou Conflit » et le suffixe grec – « Polis ou Ville », donc ville de bombarde ou ville des conflits donc villes des bombardements. Saint-Michel-de-l'Atalaye qui provient de l’espagnol « San Miguel de la Atalaya », donc origine d’une possible combinaison de atalaya « tour de guet » et d'un colon et saint chrétien.
Ces marqueurs toponymiques coloniaux et des centaines d’autres n’inspirent-ils pas des séquelles de la colonisation qui occultent l’histoire des Taïnos et des Africains transplantés de force mais résistants sur cette terre ? Même Port-au-Prince, capitale du pays, tire son nom d’un navire colonial français. Oui, Port-au-Prince, d’origine d’un navire colonial nommé « Le Prince », ce qui ne renforce-t-il pas moins une « mémoire d’aliénation et de continuité avec un passé colonial douloureux ». Cette aporie ou incohérence, avec le projet de la Révolution de 1791-1804, dans la nomenclature territoriale participe à une perte d’identité nationale forte et complique l’appropriation populaire de l’administration locale aussi bien des points de vues subjectif qu’intersubjectif ou même objectif. Car l’un des premiers moyens d’habiter et de comprendre le social et le monde objectif c’est de s’approprier la capacité ontologique ou principielle de définition du sens et des valeurs positives qui permettent de faire monde. Pour qu’un territoire soit communicationnellement significatif, il faut que sa dénomination soit intelligible et juste moralement et fonctionnel géographiquement, cohérent structurellement ou porteur de symboles positifs, ce qui est loin d’être le cas actuellement pour Ayiti.
Plus d’un se demanderait que faire alors avec l’histoire et la mémoire de la colonisation européenne et occidentale. Nous répondrons, la décolonisation de 1804 a clôturé le combat du sang en proclamant l’indépendance, symbolisé par la réappropriation linguistique et symbolique des peuples Arawak-Taïnos que la colonisation a détruit et occulté. La dénomination du pays par son nom taïno Hayti n’a pas effacé l’histoire ni la mémoire de la colonisation. Mais elle a redonné vie à ce que la colonisation a tenté de faire disparaitre depuis décembre 1492, le nom autochtone donné par les octchtones, les natif natal, un peuple civilisé et amical. Ce nom d’Hayti charrie derrière elle toute une histoire locale et de grandes valeurs géographique et topographique. Hayti est d’autant plus un pays constitué de montagnes qu’elle est moins un pays déclaré par les colons comme Hispaniola ou Petite Espagne ou encore en kreyòl ayisyen, Ti Espay, donc un mot de non-sens, un nom nul et de totale nullité ou un nom nul et de nullité absolue du point de vue heuristique.
Pourquoi Hayti a besoin d'une nouvelle organisation territoriale ?
Depuis près d'un siècle, notamment entre 1915-1934, avec la colonisation ou occupation des États-Unis, Hayti fait face à une centralisation excessive du pouvoir autour de sa capitale de Port-au-Prince. Cette concentration des fonctions politiques, économiques et administratives dans la capitale nuit radicalement au développement équilibré du territoire et en même temps aggrave les inégalités régionales. De plus, elle limite l’accès aux services essentiels pour les populations vivant dans les zones reculées.
Aujourd’hui, plus que jamais, la crise multidimensionnelle d'Hayti prouve de manière claire et limpide que le pays a besoin d’une véritable décentralisation; non pas en théorie comme dans la Constitution de 1987 ou le décret inconstitutionnel de 2006 sur la décentralisation mais en pratique.
Un modèle centralisé aux effets pervers
En effet, depuis son indépendance, et plus encore sous l’occupation américaine, Hayti s’est structurée autour d’un pouvoir central fort, concentré à Port-au-Prince. Ce modèle hyper-centralisé, hérité à la fois du régime colonial, des logiques post-indépendance de contrôle du pouvoir et de l’ingérence étasunienne, a progressivement éloigné l’État des besoins réels de la population, notamment dans les provinces ou encore les milieux rivaux ou de la paysannerie.
L’occupation américaine a joué un rôle déterminant dans l’ancrage de cette centralisation. En imposant une Constitution formatée de toute pièce en 1918, en démantelant les structures locales autonomes et en plaçant le pays sous une tutelle administrative dirigée depuis la capitale, les autorités américaines ont verrouillé l’ensemble des fonctions décisionnelles à Port-au-Prince. Comme l’explique l’historien Matthew J. Smith, « L’objectif de l’administration américaine était de rationaliser et de contrôler l’État haïtien depuis la capitale, en s’assurant que toutes les décisions passent par un pouvoir central fort et étroitement surveillé » (Liberty, Fraternity, Exile, 2009).
Le géographe haïtien Georges Anglade parlait quant à lui de « monocéphalie administrative », une forme de gouvernance où toute l’autorité converge vers un seul centre, laissant les régions périphériques marginalisées, sous-administrées et dépourvues d’autonomie réelle. Cette organisation a figé le développement national dans un schéma de dépendance vis-à-vis de la capitale, où même les questions les plus locales doivent attendre des décisions prises à plusieurs centaines de kilomètres.
Les réformes entreprises après l’adoption de la Constitution de 1987 ont misé sur la déconcentration administrative. Des antennes ministérielles ont été installées en province, censées rapprocher les services publics des citoyens. Mais en l’absence de transfert réel de compétences, de ressources humaines et de budgets, ces structures se sont révélées largement inefficaces. Elles n’ont pas inversé la logique coloniale, centralisatrice, mais l’ont simplement maquillée.
L’Institut Haïtien de Décentralisation l’a bien résumé en 2015 : « La déconcentration est un outil technique, mais seule la décentralisation politique permet un changement structurel durable. » Tant que les collectivités locales ne disposeront pas de vrais pouvoirs de décision, de financement, de planification et de gestion, toute tentative de rééquilibrage territorial restera lettre morte.
La décentralisation du pays est loin d’être une simple question technique, la centralisation est aujourd’hui un frein au développement, à la gouvernance et participation citoyenne et démocratique et à la stabilité du pays. Elle maintient les régions dans un état de dépendance et de frustration, alimente l’exode rural vers une capitale déjà saturée, et fragilise le tissu social. Repenser l’organisation territoriale d’Haïti n’est donc pas une option, mais une urgence nationale et fondamentale natale.
La nécessité d’une décentralisation effective
Haïti doit s’engager dans une réforme profonde de son organisation territoriale, fondée sur des collectivités locales fortes, autonomes et responsables et participatives. Chaque grande collectivité territoriale : département, commune, ou une nouvelle division administrative, doit disposer de structures de gouvernance capables de gérer les affaires publiques locales avec des moyens réels et d’assurer la participation des citoyens et citoyens dans les prises de décisions qui concernent les affaires publiques de ces collectivités.
Selon un rapport de la Banque mondiale (2021), il est soutenu que « la décentralisation effective améliore la prestation des services publics, renforce la participation citoyenne et favorise le développement local, à condition qu’elle s’accompagne de ressources financières adéquates et d’une clarification des responsabilités institutionnelles ».
Pour cela, Haïti doit :
- Transférer des compétences réelles aux collectivités locales (infrastructures, éducation, développement économique, etc.) ;
- Garantir l’autonomie budgétaire des territoires, avec des recettes propres et une part équitable du budget national ;
- Renforcer la capacité des autorités locales à planifier, exécuter et évaluer des politiques publiques pertinentes ;
- Rendre effective la participation de citoyens par la mise en place d’institution de pouvoir et de participation citoyenne, donc de discussion et de délibération individuelle et collective.
Une réorganisation territoriale profonde et cohérente permettrait :
- Un développement plus équilibré entre les régions, en réduisant les inégalités d’accès aux services ;
- Une meilleure gouvernance, en rapprochant les décisions publiques des citoyens concernés ;
- Une réduction des tensions sociales, grâce à une participation plus active des communautés dans la gestion de leurs affaires ;
- Une résilience accrue de l’État, en répartissant les responsabilités au lieu de les concentrer dans un seul pôle vulnérable ;
- Un meilleur sens de la responsabilité individuelle et collective donc de la formation de la volonté publique.
Comme le notait James Morrell (2007), « la décentralisation ne garantit pas à elle seule la démocratie, mais elle en est un pilier fondamental, car elle permet la construction d’institutions locales, ancrées dans la réalité des citoyens ». Et Bernard Manin (1985), soutient que « la délibération, plutôt que la volonté générale, comme norme et principe directeur de la décision démocratique », ce qui revient à dire que « le principe de la légitimité démocratique doit être recherché dans le processus de formation de la volonté collective, non pas dans la volonté elle-même ». Et dans ce processus la communication joue un rôle fondateur, ce qui ne peut se fait hors de la langue nationale et première, donc le créole haytien. Autrement dit, puisque la société haytienne est cimentée par la langue et la culture créole, la fondation de l’État qui serait véritable décolonial implique de partir sur la réalité socio-démo-linguistique, à savoir la nation est créole et créolophone, loin de prétentions de néolononisateurs et coloni(ali)sateurs francophilistes qui défendent et perpétuent les modèles coloniaux de la gestion inégalitaire par la discrimination linguistique et territoriale (voir Guylène Romain (2020, pp. 435-461 et passim), Fernand Léger (2020, pp. 2-28 et passim) et Lefranc Joseph (22 juin 2025, en ligne)).
Haïti ne pourra se reconstruire sans revoir son architecture territoriale, juridique et linguistique. La simple déconcentration ne suffit pas. Il faut opérer une rupture nette et fondale natale avec le centralisme et les structures coloniales discriminantes hérités du passé, pour instaurer une décentralisation et décolonialisation effective – financière, politique et institutionnelle, et linguistique. C’est à ce prix que les régions, les citoyens et citoyennes pourront enfin jouer un rôle moteur dans la transformation global du pays. La refondation d’Haïti passe par un rééquilibrage du pouvoir sur tout le territoire, pour que chaque citoyen, où qu’il se trouve, ait accès à un État proche, fonctionnel et responsable et identitaire au sens de la relation et de la reconnaissance avec l’Autre intégré dans la vie sociale.
Tout compte fait, alors passons à notre proposition de Refondation de l’État en Hayti basé sur les réalités et aspirations de la Nation haytienne.
Avantages du modèle territorial proposé par l'assemblée nationale de la jeunesse
La Refondation du territoire national haytien apparaît aujourd’hui comme une nécessité vitale, non seulement pour corriger les erreurs historiques du découpage administratif hérité de la période coloniale, mais aussi pour répondre efficacement aux défis économiques, sociaux, environnementaux, identitaires et géostratégiques auxquels le pays est confronté. Consciente de cette urgence, l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ) a élaboré dans son Avant-projet de Constitution une proposition de réorganisation territoriale fondée sur la rationalité, l’efficience, l’équité et la souveraineté populaire, telle que décrite à l’article II du texte.

Ce modèle innovant repose sur trois principes fondamentaux : l’efficacité administrative, la lisibilité institutionnelle et l’enracinement culturel. Il prévoit que le territoire national soit restructuré autour de trois grandes régions historiques Marien (Nord), Maguana (Centre) et Xaragua (Sud) – cette division historique et dénomination est un signe en hommage aux anciens royaumes Arawak-Taïnos, premières civilisations de l’île. Chacune de ces régions serait subdivisée en 5 provinces, soit 15 provinces au total, elles-mêmes divisées en environ 80 communes répondant à des critères objectifs de viabilité : superficie minimale de 300 km², présence d’une plaine agricole ou urbaine, et une population d’au moins 50 000 habitants. Cette approche permet d’assurer un meilleur équilibre territorial et d’éviter les dérives clientélistes ou électoralistes souvent liées à la création abusive de nouvelles communes.
L’un des atouts majeurs de cette Réforme réside dans sa capacité à défragmenter l’espace administratif haytien, aujourd’hui morcelé de manière inefficace. En créant des entités administratives plus vastes et mieux outillées, la proposition vise à regrouper les ressources humaines, matérielles et financières, facilitant ainsi la mise en œuvre de véritables pôles de développement régionaux. Chaque commune disposerait de départements municipaux spécialisés dans les domaines essentiels : infrastructures, santé publique, éducation, environnement, sécurité civile, culture, développement économique, etc. Ces départements seraient dirigés par des techniciens et experts sectoriels, sous le contrôle de citoyens et citoyennes, permettant une gestion professionnelle, responsable et participative des politiques locales. Le maire jouerait un rôle de coordination, d’orientation et de supervision, tout en étant épaulé par un bureau de conseillers et de consultants, mais ne serait plus surchargé de responsabilités techniques pour lesquelles il n’a ni la formation ni les outils. Ainsi, l’effectivité de l’Assemblée Communale garantirait la participation des citoyens dans la prise et la supervision des décisions au niveau local.
Le projet met également l’accent sur une autonomie renforcée des collectivités territoriales. Celles-ci seraient reconnues comme personnes morales de droit public, dotées de compétences propres, notamment en matière de développement local, fiscalité locale, planification, sécurité civile de proximité, gestion des ressources naturelles, et promotion de la culture au sens global du terme. L’État central n’exercerait qu’un contrôle de légalité, respectant le principe de subsidiarité, tout en accompagnant les collectivités par des mécanismes de soutien technique et financier. Un Conseil National de Décentralisation serait institué pour garantir une coordination efficace entre le centre et les territoires, assurant ainsi non plus centralisée mais une véritable gouvernance partagée, inclusive et participative.
D’un point de vue économique, cette Restructuration territoriale est également porteuse de transformation. Elle permettrait de réduire les coûts de fonctionnement de l’appareil administratif, de diminuer la redondance bureaucratique, et de favoriser l’émergence de villes autosuffisantes capables de générer leurs propres recettes locales, de planifier leur développement et d’attirer des investissements. En parallèle, la création de grandes agglomérations structurées donnerait lieu à une dynamique de croissance endogène inclusive, notamment dans des zones aujourd’hui enclavées ou marginalisées.
Sur le plan symbolique et culturel, le projet de l’ANJ propose une Refondation identitaire du territoire à travers un travail réfléchi de Renommage des régions et des entités locales, inspiré de l’histoire arawak-taïno et africiane d’Hayti. En remplaçant les noms coloniaux, sans véritable et réelle signification (comme « Nippes », « Ouest », « Port-au-Prince », Grand’ Anse, Hinche etc.) par des noms autochtones, natif natal donc porteurs de notre vision du monde, notre identité, notre philosophie et notre histoire et mémoire et symbolisme de fierté et de notre raison d’être. C’est ainsi que nous pouvons pleinement apprécier le Projet voulant contribuer à réconcilier la nation haytienne avec son passé (glorieux) et ses racines anthropiques et culturelles ou civilisationnelles. Cela permettrait de restaurer le sentiment d’appartenance et de rendre effective la participation et l’intégration des citoyens à leurs territoires et de réinsuffler une nouvelle et véritable cohésion nationale autour d’un imaginaire territorial et symbolique Refondé.
Enfin, comparée au Projet irréaliste de 725 communes proposé par le Comité de Pilotage de la Conférence Nationale, la vision de l’ANJ se distingue par sa praticabilité, sa nationa-lité, sa rigueur méthodologique et sa compatibilité avec les meilleures pratiques au niveau international. Elle établit un cadre territorial rationnel, autrement dit mo-derne et adapté, cohérent, respectueux des réalités haytiennes, et capables d’accompagner durablement la transition vers une Nation-État plus équitable et démocratique, donc, un État décolonisé et décolonialisé, plus proche de ses citoyens et mieux préparé aux défis du 21ème siècle.
Afin de ne pas conclure sur un problème aussi fondamental et urgent
La décolonialité territoriale en Ayiti (Hayti, Haïti) n’est pas qu’un enjeu administratif, mais un impératif de justice historique et de souveraineté populaire. Le modèle proposé par l’ANJ, ancré dans les réalités locales et les symboles autochtones, offre une voie pour dépasser les dysfonctionnements actuels. En réduisant la fragmentation, en restaurant des toponymes significatifs et en transférant le pouvoir aux collectivités, Haïti pourrait enfin concilier efficacité et équité. Cette refondation, si elle est adoptée, marquerait une rupture avec les schémas coloniaux et ouvrirait la voie à un développement endogène, démocratique et inclusif ; condition sine qua non pour une Haïti résiliente et unie.
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