La refondation constitutionnelle : pour une nouvelle République d’Hayti(Article I)

Un fondement universel pour une refondation nationale

La Déclaration universelle des droits de l’humain affirme que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Cette vérité fondamentale repose sur des principes qui transcendent les frontières : la dignité humaine, qui reconnaît en chaque individu une valeur inaliénable, indépendante de son origine, de ses choix ou de sa condition ; l’universalité des droits, qui s’appliquent à tous sans exception ; l’égalité et la non-discrimination, qui rejettent toute distinction fondée sur la race, le genre, la langue, la religion ou l’origine sociale.

Ces droits sont indivisibles : les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sont interdépendants et doivent être garantis ensemble. La liberté, sous toutes ses formes de pensée, de conscience, de croyance, d’expression, de circulation , la justice équitable et l’accès à une participation politique réelle sont au cœur de cette vision humaniste. Ces principes n’ont de valeur que s’ils s’accompagnent de la responsabilité active de l’État, qui doit les respecter, les protéger et les mettre en œuvre dans un cadre démocratique et conforme à l’État de droit.

Mais ces principes universels ne doivent pas rester théoriques. Ils obligent les États à agir, à garantir concrètement les libertés fondamentales et la justice sociale. Ils rappellent que la dignité humaine n’est pas un privilège, mais un droit fondamental, inaliénable et non négociable. Dans un monde traversé par les défis sociaux, économiques, politiques et environnementaux, ils constituent un repère éthique et juridique indispensable pour bâtir des sociétés plus justes, inclusives et humaines. C’est précisément dans cet esprit de justice et de dignité universelle qu’intervient aujourd’hui la nécessité d’une refondation constitutionnelle en Haïti.

Après des décennies de crises politiques, d’instabilité institutionnelle et de rupture entre l’État et la population, une prise de conscience profonde s’impose : le modèle républicain actuel d’Haïti ne fonctionne plus. La légitimité des institutions est affaiblie, les lois sont contournées, et une large partie de la population est exclue des processus décisionnels, en particulier en raison de la barrière linguistique. Le système hérité de la Constitution de 1987, malgré ses avancées, n’a pas permis la construction d’un État fort, juste et inclusif.

Dans ce contexte de désillusion démocratique, l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ) appelle à une refondation profonde. L’Article I de notre avant-projet de Constitution trace les lignes directrices de cette transformation : une réaffirmation de la suprématie de la Constitution, une reconnaissance active de la dignité humaine comme mission première de l’État, une révolution linguistique en faveur du créole haïtien, et une relecture des symboles de la République.

En redéfinissant les bases juridiques, linguistiques, sociales et symboliques de l’État haïtien, nous cherchons à replacer l’humain au cœur du projet républicain, à restaurer la confiance du peuple dans ses institutions, et à fonder une République libre, équitable et enracinée dans son identité culturelle. Ainsi, les principes universels des droits de l’homme rejoignent l’ambition haïtienne de construire un État juste, souverain et profondément démocratique.

 

La Constitution au sommet de la hiérarchie juridique

« Il est plus juste que la loi commande que n’importe quel citoyen. » (Aristote, -4e siècle, La Politique, Livre III), cela parce que si c'est un citoyen qui a le pouvoir suprême ce dernier peut faire ce qu'il des gens par ses caprices, mais si il suit une loi supérieur il doit donc respecter ce que dit cette loi. C'est dela pour cela que Raymond Aron a souligné que « Une Constitution n’est pas un simple texte juridique ; c’est une déclaration solennelle sur la manière dont une société veut se gouverner. » donc son contrat social. Elle est aussi « [...]la loi suprême du pays. […] Une loi en conflit avec la Constitution est nulle. » (Marbury v. Madison, 1803). Dans toute république digne de son rang, la Constitution est suprême, tous les citoyens doivent la représenter et l'obeïr. Toute tentative de violer la Constitution est une tentative de violer la Nation et la liberté des citoyens, et doit être sévèrement sanctionné.

En ses premiers mots, l’article I de l'avant-projet rappelle avec fermeté cette principe. Elle stipule que toute autorité publique est soumise à la Constitution, qu'aucun décret, règlement ou loi contraire à la Constitution sont nuls de plein droit (Article I, Section 1). En écrivant cela nous visons un retour fort aux principes de l’État de droit, où la légalité et la transparence prévalent sur les arrangements politiques ou la pratique du pouvoir personnel, nous visons aussi un Pouvoir Judiciaire indépendant capable de juger impartialement avec rigueur, un pouvoir capable de juger que toute norme contraire à la Constitution doit être déclarée « nulle de plein droit » pour pouvoir faire respecter le contrat social dans toutes ses dimensions.

 

Un État protecteur, équitable et social

Cepandant, pour faire respecter la constitution, pour appliquer la loi, il faut d'autant plus un État qui en mesure de travailler pour l'accomplissement de ce travail, il faut donc un État protecteur et juste. Si « Les hommes sont par nature tous égaux et indépendants, et nul ne doit nuire à un autre dans sa vie, sa liberté ou ses biens. »  comme l'a souligné Locke dans son second traité du gouvernement civil. Que la dignité humaine repose sur les droits naturels, que tout être humain a dès la naissance : ces droits mais non limités au  droit à la vie,  la liberté et à la propriété. Ces droits sont inséparables de la nature humaine et précèdent l’État, ils forment la base même de la dignité humaine.

  1. Droit à la vie: Nul ne peut être arbitrairement tué, chaque individu a le droit de vivre et d’être protégé contre toute atteinte à leur vie.
  2. Droit à la liberté: Tout individu a ledroit de vivre librement, de penser,d’agir, de se déplacer sans être soumis à une quelconque autorité tyrannique.
  3. Droit à la propriété: Chaque individu a le droit de posséder ses biens, fruits de son travail et de sa personne sans qu’une tierce ne puisse s’en emparer sans consentement. La propriété est bien le prolongement de la personne humaine.

La deuxième section de l’article consacre la mission essentielle de l’État : protéger la dignité humaine et assurer, de manière équitable et progressive, les droits fondamentaux de chaque citoyen. Comme le soulignait René Cassin, co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la dignité humaine est la clé de voûte de tous les droits humains. Sans elle, il ne peut y avoir ni liberté, ni égalité, ni sécurité. En s’engageant à garantir ces droits, l’État haïtien doit se placer du côté de la justice sociale, de l’égalité des chances, du bien-être collectif, et du respect des libertés individuelles, dans un cadre conforme à l’ordre public et aux principes démocratiques non seulement parce que ça favorise le développement social mais aussi c'est sur ces principes qu'Hayti.

Un changement linguistique révolutionnaire

Mais c’est sans doute la question de la langue qui provoquera le plus de débats. L’article I dans sa troisième section établit clairement que le créole haïtien devient la première langue officielle de la République d’Hayti, devant le français.

La question du pouvoir de ce changement peut se voir sous deux angles: la première un angle de conformité et la deuxième un angle d'évolution. Le français est jusqu’ici dominant dans les affaires de l’État malgré que la la majorité de la population ne le maitrise pas, cela n'est en aucun cas conforme à la réalité haytienne, cela qui inévitablement bloque l'évolution de la pensée haytienne car elle ne pense dans une langue étrangère, ce qui ne favorise pas le développement logique et critique. Pour cela nous proposons de faire du français la seconde langue officielle du pays après le créole haytien. Quant à l’anglais et à l’espagnol, leur usage dans les affaires officielles est permis, mais strictement encadré.

L’État devrait aussi conduire toutes ses activités principalement en créole, et tout texte non rédigé en créole haïtien est déclaré nul et non avenu. Une version française pourra exister à titre de référence, mais seule la version créole aura valeur juridique. De plus, la langue des signes créole haïtien devra être utilisée pour rendre les discours et documents accessibles à tous, dans un esprit d’inclusion et d’égalité. Les médias de même devront se conformer à ses changements pour avoir un effet considérable: 60 % des contenus devraient être en créole, 30 % au maximum en français, et 10 % en langues étrangères. En cas de non-respect de cette règle linguistique, la sanction serait la suspension de la licence d’exploitation. Cette politique linguistique vise à restaurer la dignité culturelle de la majorité linguistique, trop longtemps exclue des sphères de décision.

 

Le retour au noir et rouge, une symbolique nationale repensée

L’article I propose également un renouvellement des symboles de l’État. Le drapeau national serait composé de deux bandes horizontales noires, représentant l’unité des Noirs et des Mulâtres. Contrairement à la pensée populaire qui voit ce drapeau comme celui de la dictature, il est tout à fait le contraire, le drapeau noir et rouge est le drapeau de l'union, de la solidarité. C'est le drapeau de la pensée nationale haytienne "L'union fait la force", d'autant plus c'est le premier drapeau officiel du pays. La devise quant à elle devrait ressembler plus à ce que nos pères fondateurs voulaient: Une Nation libre, intègre basée sur la justice sociale, on propose donc ainsi une nouvelle devise : “Liberté, intégrité, fraternité” pour renouveler notre contrat social avec le rêve de ses bâtisseurs.

De plus, les nouvelles armoiries nationales proposérs sont deux lions encadrant un coq, symbole de vigilance et de courage, au-dessus de la légende révolutionnaire “Liberté ou la mort”. Cette refonte esthétique et symbolique cherche à réconcilier l’Hayti moderne avec son passé révolutionnaire tout en affirmant une identité propre, forte et indépendante.

 

Un pari audacieux, mais nécessaire ?

Avec cet article, nous proposons de fonder une République d’Hayti plus inclusive, plus juste, et plus enracinée dans sa culture populaire. Même si le chemin vers l’adoption d’une nouvelle constitution reste semé d’embûches politiques et légales, le message de la jeunesse est clair : une nouvelle génération entend reprendre la main sur le destin du pays.


References


Auteurs : Woldenskee Miviel et Mélissa F.

Éditeur : Godson MOULITE


Pour consulter l'article sur Le National: https://www.lenational.org/post_article.php?tri=2527 

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Commentaires

Daniella FRÉMOND
il y a 23 jours

Intéressant le texte. Et très enrichit.