
Cet article fait partie de la rubrique Les Cahiers de la Refondation, il a été rédigé dans le but de donner une vision plus claire de l’article 5 de l’Avant-projet de Constitution de juin 2025 proposée par l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ)
Auteurs : Karl Billy Nelson & Éditeur web : Godson Moulite
Prendre des décisions au nom du peuple est acte majeur. C'est pour cela que les considérations autour de ce qui doit être proposé afin de renforcer la présence de la population en termes de capacité de révocation des engagements jugées contraire à la volonté populaire dans l’Avant-projet Constitution de l’ANJ s’avère nécessaire aujourd’hui car, un tel mécanisme lui manque grandement. En fait, le droit pour les citoyens de révoquer un élu avant la fin de son mandat est assez répandu dans le monde. Pourtant, Haïti figure parmi les pays d'exceptions. Disons que toutes les activités humaines sont sujet d’erreur. Et lorsque l’on sait que les décisions de l’État doivent-être articulées autour de la souveraineté populaire, on se demande dès lors si la possibilité de demander des comptes aux responsables politiques en dehors des élections doivent être inclus dans la constitution puisque les possibilités de raccourcir le mandat des élus existent dans certains pays. C’est donc en ce sens que l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ) se propose d’expliquer un moyen d’amélioration.
Le référendum révocatoire : entre violation du pouvoir de convocation et qualité démocratique contre le manquement des devoirs d’un élu
Dans toute administration organisée, les ordres sortent généralement d’en haut afin d’être soumis à l’exécution en bas. C’est le respect pour ses supérieurs. C’est pour cela que l’on ne peut pas convoquer ses supérieurs. C’est du non-sens. C’est un manque de respect. Maintenant, le fait de choisir ses représentants confirme un transfert de pouvoir et d’autorité de la population aux élus. Notons que ces choix ont été manifesté lors des scrutins par le peuple. Alors, si l’autorité est le droit de commander, ce droit est inviolable avant la fin du mandat. Et ceci même en cas de mauvaise gestion comme il a souvent été le cas en Haïti. On doit respecter le mandat donné dit-on. Dès lors, il devient impossible de convoquer afin de révoquer un élu. Pourtant, la 48e législature a été dépossédé d’un sénateur pour une affaire de double nationalité. Son mandat a été révoqué. Nous allons voir que ce n’est pas le même mécanisme du fait que pour occuper des postes électifs dans le pays, la Constitution de 1987 amendée prévoit des sanctions contre ces comportements. En ce sens, c’est une situation qui devient un peu impossible. Donc, le mandat d’un élu est irrévocable sans violation du processus d’inscription comme celui de la double nationalité. Alors, nous sommes tenus de les respecter.
Cependant, le droit pour les citoyens de révoquer leurs élus avant la fin de leur mandat est largement répandu dans le monde. Haïti figure parmi les pays d'exceptions. En fait, avant la fin de son mandat, les citoyens peuvent destituer un élu par un référendum révocatoire. Disons que, la révocation populaire est un mécanisme de destitution utilisé afin de responsabiliser les élus, renforcer la souveraineté populaire ou encore, prévenir les abus de pouvoir ou trahison du mandat. Par exemple, elle a été utilisée en 2004 contre Hugo Chávez. Le Venezuela avait organisé un referendum révocatoire contre Hugo conformément à la Constitution de 1999 qu’il avait lui-même promue. Heureusement pour lui, 59% ont voté contre la révocation lors du référendum tenu le 15 aout 2004. Chávez est resté au pouvoir. Et dans certains États aux États-Unis, comme la Californie, elle est d’utilité. En 2003, le gouverneur de Californie, Gray Davis a été révoqué par un referendum et remplacé par Arnold Schwarzenegger. En Bolivie avec Evo Morales en 2008, en Équateur et récemment au Méxique, ce sont des pays qui ont introduit ce mécanisme de révocation. La plupart du temps, la procédure inclut trois étapes : une pétition pour demander la révocation d’un ou plusieurs élus, un référendum (qui ne se déclenche que si la pétition atteint à certain seuil) et une élection (qui ne se déclenche que si le « oui » gagne lors du référendum). En ce sens, la possibilité de demander des comptes aux responsables politiques en dehors des élections doivent être inclus dans la Constitution haïtienne puisqu’elle permettra de responsabiliser les élus, renforcer la souveraineté populaire ou encore, prévenir les abus de pouvoir ou trahison du mandat. En Californie par exemple, le recall est un mécanisme de contrôle qui permet une mise en jeu permanente de la responsabilité politique de l’élu/agent public, moyen efficace contre l’inaction ou l’incompétence. Par sa simple existence, cette procédure est un instrument de lutte contre les atteintes à la probité commises par les agents publics. Bref, c'est juste comme action dans une démocratie participative. Elle permet de servir de pression politique, favoriser l’instabilité si mal utilisé.
Dans le pays, on est habitué de préférence avec la mise en accusation. En effet, selon l’article 186 de la Constitution haïtienne de 1987, la Chambre des députés peut, à la majorité des deux tiers (2/3) des membres, prononcer la mise en accusation des personnalités comme le Président de la République, le Premier Ministre, Les membres du Conseil Électoral, les juges et officiers du Ministère près de la Cour de cassation et le protecteur du citoyen. Pour des raisons spécifiques. Une fois la mise en accusation prononcée, le Sénat s’érige en Haute Cour de Justice pour juger les personnes mises en cause. Alors, sur le plan du droit parlementaire dans sa fonction juridictionnelle, pour Me Patrick Laurent, la mise en accusation est la décision de renvoi d’une autorité par-devant la Haute cour de justice. En Haïti, les autorités relevant de la Haute cour de justice sont : le Président de la République ; le Premier ministre, les ministres et les secrétaires d’État. Il y a ensuite, les conseillers de la Cour supérieure des comptes, le protecteur du citoyen, les juges et les officiers du ministère public près la Cour de cassation évoqués plus haut. Donc, elle est un outil constitutionnel permettant au Parlement de tenir les hauts fonctionnaires de l’État responsables de leurs actes tout comme le référendum révocatoire.
Maintenant, l'idée d’organiser une séance de mise en accusation est outil de pression politique par lequel un président peut être suspendu de sa fonction. Sur le plan politique, poursuit Me Laurent, la mise en accusation c’est la saisine de la Haute cour de justice contre une autorité passible de la susdite cour. S’agissant du président de la République, pour crime de haute trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l’exercice de ces fonctions. Pour le Premier ministre, les ministres et les secrétaires d’État pour crimes de haute trahison, de malversation, d’excès de pouvoir ou tous autres crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Encore, les membres du Conseil Électorale permanent et de la Cour Supérieure des Comptes pour fautes graves commises dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi que des juges et officiers du ministère public près la Cour de cassation pour forfaiture ce, au terme de l’article 186 de la Constitution.
Du coup en Haïti par exemple, le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat et pour crime de haute trahison. Et la destitution doit être prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. C’est la Chambre des députés qui peut mettre en accusation les autorités passibles de la Haute cour de justice. Donc, ce n'est que s'il commet des faits graves violant les dispositions de la Constitution.
La révocation populaire, une démarche à consacrée par la loi
Par conséquent, cette démarche s’impose à la société et fait appel à un cadre normatif puisqu’on ne peut pas punir sans loi. En effet, toute qualité doit être consacrée à travers un outil juridique selon la loi. On ne peut pas jouer un rôle sans instrumentions. C’est la raison pour laquelle que l’Avant-projet de l’ANJ prévoit l’autorisation de la Constitution à cet effet. Il doit y avoir une procédure. Et cette procédure doit être définie par la loi mère du pays. Elle aura ainsi force de droit et donnera en ce sens, une habilitation de révocation. Au regard de cela, en faisant état de tout ce qui ne rentre pas dans le cadre normal, c’est d’abord prélever les irrégularités puisque c’est ce nous savons tous, les décisions doivent refléter l’intérêt de la population. Effectivement, nous devons aider au respect du choix des électeurs. La population fait des choix pour protéger et défendre ses intérêts. Par exemple, elle permettra de réduire au fur et à mesure les marges d’ingérences lorsque la population ressent l’application des décisions de connivences étrangères contre la souveraineté populaire. Précisons que le principe de souveraineté signifie respecter l’intérêt de la nation. Ainsi, la qualité des citoyens doit dépasser le cadre dialectique pour atteindre un cadre normatif parce que, du fait que les dirigeants élus constituant l’État auront à poser des actions qui engagent toute une société, on aura besoin d’un mécanisme beaucoup plus solide pour s’assurer du respect de la volonté de la nation. En ce sens, s’il faut révoquer, il doit y avoir un moyen. Donc, Haïti peut, à l’image de certains pays, comme le Mexique, le Venezuela, etc., l’introduire dans sa Constitution.
Par suite, il aura toujours une frange de la société civile qui aura tendance à manipuler la population contre un gouvernement ou contre un élu. Le problème d’influence ici ne pose pas encore problème. C'est plutôt, soulever contre un dirigeant qui exécute conformément ce qui est demandé qui pose problème. Comment éviter cela lorsque le peuple aura ce pouvoir ? D'abord, il faut mieux structurer l'opposition. Sinon, elle risque d'entraîner l'effondrement de la nation, au même titre que l'image de l'homme des cavernes évoluant à l'état de nature. Encore, le bon citoyen sait ce qui sera bon pour le mieux-être collectif. René Julien dresse un portrait du citoyen haïtien. Pour lui, le citoyen c'est d'abord quelqu'un qui est appelé à servir le pays. Il a mis l'accent sur sa participation active à l'organisation de l'État. Il ne doit pas être restreint à une affaire d'électeur ou dirigeant seulement en vue de réaliser sa mission avec beaucoup plus de rigueur. De plus, afin de ne pas se laisser influencer par qui que ce soit, certes on doit respecter les tendances, mais, on doit fixer des balises. En ce sens, s’il y a des limites, il y aura des sanctions pour avoir enfreint les limites. Rappelons, que toute sanction doit être liée à l’action posée. Donc, pour servir le pays, il faut mettre une force juridique à la volonté de suivre de très près les actions de l'État et l'aider à faire ses preuves par un recours à la révocation des décisions jugées contre l'intérêt de la nation par un référendum révocatoire beaucoup plus large.
En bref, bien que, c'est seulement en Haïti qu'on parle d'opposition de cette manière-là. Malheureusement, elle est une stratégie que les malicieux utilisent souvent pour tromper la population. Par rapport à cela, la population est invitée à faire preuve de vigilance. Et toute action en dehors de l’habilitation doit être sanctionné afin d’éviter l’instabilité institutionnelle si elle est utilisée trop souvent.
Vers le respect des aspirations du peuple
Dans un système démocratique, le changement qu'aspire la population passe généralement par le choix d'un ou des représentants aux élections. Les futurs dirigeants présentent leurs projets politique et la population décide de faire confiance au programme jugé plus adapté à ses besoins. Maintenant, il arrive que le peuple ait besoin de manifester son désaccord dans le cas où il estime le pays n'est pas dirigé ou encore administré. Autrement dit, un élu agit contre l’intérêt de la nation puisqu’il est censé la défendre et la protéger. Et malheureusement voilà que les mécanismes en fait grandement défaut pour le pouvoir législatif. En ce sens, étant donné que c'est le peuple qui est la source du pouvoir, il doit y avoir un mécanisme de contrôle et de révocation populaire prévoit par la loi car, il lui permettra de faire avancer ses aspirations. En fait, tous nouveaux comportements, toutes nouvelles tendances nécessite une nouvelle règle sociale. Disons que pour plus d'un, cette approche n'est pas inhabituelle. Dans le sens que jamais dans l'histoire politique du pays, le peuple était aussi présent dans les décisions. Une raison très simple, il a toujours été mis de côté sous influence des puissances étrangères. La voix du peuple s'est donc séparée de toutes les ambitions. De surcroît, cette démarche vise à la manifestation des actions positives. Alors, c'est bien lorsque la population s'investit dans les décisions et cherche les solutions d'un commun accord avec ses représentants. C’est le choix à faire afin de sortir enfin de l’ombre des puissances étrangères et des élites accrochées à leurs privilèges, pour bâtir ensemble un pacte social juste, équilibré, et véritablement démocratique. Et c'est ce que nous essayons de montrer, l'unité dans les décisions d'intérêt national. C'est donc l'heure de l'exercice du pouvoir par le peuple et pour le peuple.
De ce fait, l'idée qui doit prédominer est la protection des droits et libertés des citoyens et de faciliter un mécanisme institutionnel de révocation populaire comme le référendum révocatoire, afin de garantir le respect des droits évoqués. C’est que, le peuple doit être en mesure de convoquer les représentants de l'État et les révoquer s’il s’est avérée d’utilité. Certains diront que c'est un non-respect pour la hiérarchie mais, peut-on permettre à un gouvernement ou un élu de tout faire contre l'intérêt de la nation ? Normalement, on devrait attendre que l’élu termine son mandat. Maintenant, et si la situation dérangera l’avenir de la nation ? Il faut à cet effet laisser un espace de contestation pour révoquer certaine décision. Les décisions vont engager le peuple sur le long terme. C'est pourquoi cela nécessite une disposition de la Constitution. Donc, cette démarche est vue comme le droit de pétition au terme de l'article 5 auxquels s'ajoutent nos approches, puisque des qualités du citoyen et de ses devoirs sont inclus le droit de pétition limitée par la Constitution de 1987 amendée.
Conclusion
En bref, étant donné que la démocratie implique la participation active et affective des citoyens aux affaires de l'État, il faut une réponse de la population en cas de mauvaise organisation de la vie nationale car, comme nous l’avons pu démontrer, la puissance de l'État est résultante de la puissance des citoyens. Rappelons que l'État a pour mission fondamentale de permettre à toutes les personnes vivant dans sa sphère d'action de vivre mieux. Maintenant, cette voie devrait être empruntée lorsqu'on veut révoquer un élu pour une décision jugée contre l’intérêt collectif et sur le bon fonctionnement de l'État puisque le peuple donne en votant un mandat bien déterminé. C’est afin d’améliorer sa vie. Ainsi, la nation aura à demander des comptes pour reprendre Alain Turnier. C’est donc pourquoi le but de cette approche est de porter chaque haïtien à prendre conscience de l'état actuel des choses en espérant qu'il acceptera de participer à l'articulation et à la construction d'un futur où l'homme sera au centre des préoccupations.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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11) Samuel Celiné, (2019), Le Nouvelliste, « La séance de mise en accusation du président Jovenel Moïse aura lieu le mercredi 7 août prochain », https://lenouvelliste.com/article/205316/la-seance-de-mise-en-accusation-du-president-jovenel-moise-aura-lieu-le-mercredi-7-aout-prochain.
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13) http://archive.ipu.org/parline-f/reports/CtrlParlementaire/1262_F2.htm
14) Hugues Sanon, (2019), Tripotay Lakay, « Face à la séance de mise en accusation ratée », https://www.tripotaylakay.com/face-a-la-seance-de-mise-en-accusation-ratee-hugues-sanon-reagit/
15) https://shs.cairn.info/article/GFP_2202_0067/pdf?lang=fr
16) Patrick Laurent, « Mise en accusation », c’est quoi ? », https://cabinetpatricklaurent.com/mise-en-accusation-cest-quoi/
17) Clara Egger & Raul Magni-Berton, (2024), « La révocation des élus en France : un débat de longue date mais non résolu », https://www.jean-jaures.org/publication/la-revocation-des-elus-en-france-un-debat-de-longue-date-mais-non-resolu/
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